Photo DR Afp/Pascal Pavani
Me Christophe Lèguevaques, l'avocat de trois syndicats (CGT, FSU et Solidaires) opposés à la privatisation partielle d'ATB, détaille à L'Express les motifs de ses nombreux recours. Ce spécialiste des actions de groupe (AZF, Dexia, Linky, Levothyrox...), qui a tenté l'aventure politique en 2008 pour la primaire PS à la Mairie de Toulouse, promet même de porter le fer avec d'autres juristes, jusqu'au Conseil constitutionnel afin qu'il censure la loi PACTE de Bruno Le Maire, texte ouvrant la porte à la privatisation d'Aéroports de Paris. Entretien. L'Express : Vous avez demandé la séquestration des actions de Casil auprès du tribunal de commerce de Paris. Pourquoi cette démarche ? En quoi est-elle exceptionnelle ?
Christophe Lèguevaques: Cette démarche est exceptionnelle car elle remet en cause la propriété privée. De plus, elle émane de syndicats ce qui peut être mal perçu par des juges élus par des commerçants. Mais c'est oublié l'histoire. La société Aéroport Toulouse Blagnac est le fruit du patient travail de générations de travailleurs qui ont transformé un aérodrome provincial en 4e aéroport français avec une vraie dimension internationale. A ce titre, cette société constitue un bien commun et, même l'État ne peut pas en disposer librement.
LIRE AUSSI >> Aéroport de Toulouse : le fiasco de la privatisation
Comme la procédure de privatisation est contestée depuis l'origine, il existe un litige sur la propriété des actions détenues par Casil. La procédure de séquestre vise à mettre sous-main de justice ses actions afin d'éviter leur revente tant que la justice ne s'est pas prononcée [sur le fond]. Elle ne remet pas en cause la gouvernance de l'entreprise ni les droits des actionnaires. Il s'agit d'une mesure conservatoire et transitoire pour laisser la justice travailler sereinement.
L'Express : Sur le fond du dossier vous espérez toujours la nullité de la privatisation partielle d'ATB. Le rapporteur public de la cour administrative d'appel semble vous suivre. Est-il toujours possible d'annuler cette vente?
La complexité du système juridique français nous oblige à procéder en deux temps. D'abord, le choix de Casil est le résultat d'un processus administratif de sélection régi par un cahier des charges. Nous expliquons depuis 5 ans que Casil ne pouvait pas participer à la suite de la procédure puisque son offre initiale avait été déposée en association avec le groupe canadien SNC Lavalin [un gestionnaire d'aéroports]. Cependant, l'offre finale n'a été faite que par le groupe chinois. Pour la première fois, le rapporteur public nous donne raison et recommande la nullité de la procédure de sélection. Mais cela n'emporte pas automatiquement la remise en cause de la cession.
Ensuite, il faut faire constater par le juge du contrat commercial qu'au moment de la vente, l'État ne pouvait pas vendre. Si la cour administrative d'appel nous donne raison, la nullité pourra être demandée. Casil récupérera ses 308 millions d'euros et restituera les actions à l'État qui peut les revendre au prix de marché (apparemment 500 millions) donc la plus-value profite à tous et non à quelques hiérarques du Parti communistes chinois. De plus, Casil devra restituer les 30 millions d'euros de dividendes perçus depuis 2015. On voit bien que l'état est schizophrène. Comme il est incapable de défendre l'intérêt général, ce sont les syndicats et les citoyens qui doivent mener le combat.
L'Express : Justement, que reprochent vos clients (des syndicats et des riverains notamment) à Casil Europe?
Christophe Lèguevaques: Cette démarche est exceptionnelle car elle remet en cause la propriété privée. De plus, elle émane de syndicats ce qui peut être mal perçu par des juges élus par des commerçants. Mais c'est oublié l'histoire. La société Aéroport Toulouse Blagnac est le fruit du patient travail de générations de travailleurs qui ont transformé un aérodrome provincial en 4e aéroport français avec une vraie dimension internationale. A ce titre, cette société constitue un bien commun et, même l'État ne peut pas en disposer librement.
LIRE AUSSI >> Aéroport de Toulouse : le fiasco de la privatisation
Comme la procédure de privatisation est contestée depuis l'origine, il existe un litige sur la propriété des actions détenues par Casil. La procédure de séquestre vise à mettre sous-main de justice ses actions afin d'éviter leur revente tant que la justice ne s'est pas prononcée [sur le fond]. Elle ne remet pas en cause la gouvernance de l'entreprise ni les droits des actionnaires. Il s'agit d'une mesure conservatoire et transitoire pour laisser la justice travailler sereinement.
L'Express : Sur le fond du dossier vous espérez toujours la nullité de la privatisation partielle d'ATB. Le rapporteur public de la cour administrative d'appel semble vous suivre. Est-il toujours possible d'annuler cette vente?
La complexité du système juridique français nous oblige à procéder en deux temps. D'abord, le choix de Casil est le résultat d'un processus administratif de sélection régi par un cahier des charges. Nous expliquons depuis 5 ans que Casil ne pouvait pas participer à la suite de la procédure puisque son offre initiale avait été déposée en association avec le groupe canadien SNC Lavalin [un gestionnaire d'aéroports]. Cependant, l'offre finale n'a été faite que par le groupe chinois. Pour la première fois, le rapporteur public nous donne raison et recommande la nullité de la procédure de sélection. Mais cela n'emporte pas automatiquement la remise en cause de la cession.
Ensuite, il faut faire constater par le juge du contrat commercial qu'au moment de la vente, l'État ne pouvait pas vendre. Si la cour administrative d'appel nous donne raison, la nullité pourra être demandée. Casil récupérera ses 308 millions d'euros et restituera les actions à l'État qui peut les revendre au prix de marché (apparemment 500 millions) donc la plus-value profite à tous et non à quelques hiérarques du Parti communistes chinois. De plus, Casil devra restituer les 30 millions d'euros de dividendes perçus depuis 2015. On voit bien que l'état est schizophrène. Comme il est incapable de défendre l'intérêt général, ce sont les syndicats et les citoyens qui doivent mener le combat.
L'Express : Justement, que reprochent vos clients (des syndicats et des riverains notamment) à Casil Europe?
Que ce soit Casil, Vinci ou un spéculateur brésilien, les reproches sont identiques. Il y a d'abord une opposition de principe à une privatisation dont l'intérêt économique n'est pas démontré. Il y a ensuite une vision des rapports de force peu démocratiques : celui qui paye à raison. On peut également faire valoir une conception thermo-industrielle qui sacrifie la santé des riverains sur l'autel des intérêts des actionnaires. Enfin, cet aéroport est un élément structurant de l'économie régionale et en cédant le contrôle, l'État perd sa capacité d'aménager le territoire dans un nécessaire dialogue avec les collectivités locales. Encore une fois, l'État ne se comporte pas en stratège, ce qui suppose du temps long. Mais en épicier qui vend à la petite semaine des actifs essentiels.Toulouse a été présenté comme un test grandeur nature. Même la Cour des comptes parle d'échec de la privatisation. Cette affaire permet de révéler une collusion d'intérêts qui rappelle celle constatée et dénoncée lors de la privatisation des autoroutes. Aujourd'hui avec le recul, on sait que ces privatisations appauvrissent la nation et enrichissent quelques acteurs économiques qui vivent dans une promiscuité déraisonnable. Pour ADP, il serait sage de renoncer à une privatisation qui se heurte à des questions juridiques autrement plus cruciales. En effet, avec plusieurs juristes, nous estimons que l'on ne peut pas privatiser ADP sans modifier la constitution puisque dans le préambule de celle-ci, l'alinéa 9 prévoit expressément que "Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité". L'entêtement du gouvernement le poussera-t-il à tenter un référendum pour modifier la constitution?
L'Express : L'État est à l'aube de privatiser ADP, en quoi le dossier toulousain peut-il influer sur le prochain processus ?