1/ En quoi le dispositif contraceptif ESSURE peut-il être dangereux ?
Il existe un nombre anormalement élevé de femmes qui se plaignent d’effets secondaires parfois invalidants en France. Elles ne sont pas isolées et des actions judiciaires ont été lancées dans plusieurs Etats d’Europe ainsi qu’aux Etats-Unis, notamment par Erin Brockovitch. Dans certains Etats, les autorités sanitaires ont même préféré retirer ce dispositif médical du marché. D’un côté, nous avons un nombre significatif de femmes qui disent souffrir de maux handicapant depuis l’implantation d’Essure. De l’autre, nous avons un géant mondial du médicament (BAYER) qui explique que le produit n’est pas en cause mais qu’il faut chercher du côté de la responsabilité des médecins. C’est la technique classique des « fabricants de doute » qui des cigarettiers en passant par les pétroliers ou AZF, les industriels tentent d’utiliser la science pour justifier leur impunité car on n’est pas certain du danger.
En présence d’un dispositif médical comme Essure, il faut savoir que c’est le fabricant qui réalise toute la phase d’essai clinique et qui présente ensuite les résultats aux autorités qui valident ou pas la mise sur le marché. L’industriel a donc tout intérêt à présenter les meilleurs résultats. Et souvent, les autorités ont du mal à être indépendantes ou revenir sur des décisions prises dans le passé, l’affaire du Médiator est significative à ce sujet.
Ainsi, BIG PHARMA prend soin de sélectionner les participants aux essais : les personnes à risques ou sensibles sont écartés afin d’optimiser l’essai. C’est donc un essai biaisé qui est présenté aux autorités sanitaires qui acceptent de ne pas le voir.
En réalité, pour un industriel, il est important de diffuser son dispositif médical non seulement pour réaliser des profits rapidement mais également pour tester grandeur nature ses produits au niveau mondial. Cette duplicité et ce cynisme expliquent pourquoi dans de nombreux cas le taux d’échec ou d’anomalies ne correspond plus aux études préparatoires arrangées. Mais il est trop tard, des femmes deviennent des victimes et l’industriel encaisse des bénéfices, pendant que la collectivité est appelée à prendre en charge les victimes au titre de la solidarité.
2/ Que proposez-vous aux femmes qui doutent ?
Même si on peut reprocher à la Justice sa lenteur (en grande partie en raison de la guérilla judiciaire organisée par les industriels pour détourner les plaignants de l’accès au droit) et son manque de moyen, elle est en tout état de cause le seul moyen de tenter d’obtenir et vérité et réparation. Si cette vérité est découverte, elle permet ensuite aux victimes d’être reconnues et indemnisées. La justice a donc une double fonction : indemniser les victimes et réguler les comportements en éduquant les industriels et en leur faisant comprendre que leurs profits peuvent être considérablement restreints s’ils continuent de telles pratiques.
Les personnes qui pensent souffrir d’effets indésirables depuis la pose du dispositif ESSURE peuvent demander au juge la désignation d’un expert ou collège d’expert indépendant qui devra déterminer si les troubles constatés sont liés ou pas au dispositif implanté. L’expert peut se prononcer sur l’information préalable délivrée par le fabricant et déterminer si elle est suffisante ou pas.
Sous le contrôle d’un juge, garant de l’impartialité de la décision, un débat contradictoire s’ouvre entre la victime et le fabricant.
De mon expérience dans le dossier des irradiés de Toulouse, j’ai retenu que l’expertise peut également permettre de rassurer car la victime n’est plus seule face à l’institution médicale. Elle est accompagnée et protégée et elle peut poser toutes les questions. Le plus souvent, les experts peuvent devenir des accoucheurs de vérité.
3/ Pourquoi une telle procédure plutôt qu’une action de groupe qui a été lancée par l’association RESIST ? Une action en justice est elle encore possible après la remise du rapport de la commission lancée par l’ANSM ?
Notre approche est différente : nous privilégions d’abord la prise en charge individuelle et immédiate. En effet, nous pensons que l’action de groupe risque de s’enliser dans des débats pour savoir qui est responsable. Regardez la durée moyenne des procédures : plusieurs années voire dizaines d’années. Et pendant ces débats, les victimes seront laissées dans l’expectative : elles ne recevront aucune réponse définitive et ne seront pas indemnisées. Avec la procédure collective conjointe que nous proposons, nous pensons conjuguer le singulier-pluriel. Chaque dossier sera traité séparément et donnera lieu à une indemnisation personnalisée mais la concentration des informations ainsi obtenu permettra également de réunir des preuves dans le cadre d’une action en responsabilité qui pourra devenir pénale, si nous réunissons suffisamment d’éléments.
Notre expérience a montré que souvent les industriels jouent entre les notions d’erreur, qu’ils consentent parfois à reconnaitre, et celle de faute qu’ils nient farouchement.
Quant au rapport qui a été rendu par le groupe de travail ESSURE, il présente une approche collective et a pris le biais de minimiser l’impact d’ESSURE en le comparant à des solutions médicales plus risquées. Il sert avant tout à rassurer l’administration plutôt qu’à apporter une information sincère et indépendante aux victimes. D’ailleurs, il est intéressant de relever la campagne de presse organisée après la remise de ce rapport. Nous aurions préféré qu’une telle campagne soit organisée préventivement pour informer les femmes des dangers réels - et connus !- qui existent avec ce dispositif.