Un recours en référé vient d’être introduit devant le Conseil d’Etat au sujet du « mégafichier » biométrique. Une décision devrait intervenir très prochainement.
LE MONDE | • Mis à jour le | Par Martin Untersinger
Le très controversé fichier des titres électroniques sécurisé (TES), généralisé au pas de charge par le gouvernement, est à nouveau attaqué devant la justice. Une procédure en urgence a en effet été lancée le 27 février au Conseil d’Etat, a indiqué au Monde Christophe Lèguevaques, l’avocat pilotant ce recours.
Avec son confrère Jean-Marc Fedida, l’avocat avait déjà attaqué, le 26 décembre dernier, le « décret TES ». Le 24 février, les deux avocats ont également attaqué, devant le Conseil d’Etat, l’arrêté définissant le calendrier d’application de ce « mégafichier » biométrique. Ces recours s’ajoutent à celui déposé en fin d’année par les Exégètes amateurs, un groupe d’activistes qui ont multiplié ces derniers mois les actions en justice contre le gouvernement sur les questions de surveillance numérique.Lire aussi : Généralisé, le « mégafichier » TES ne dissipe pas les inquiétudes
« Eléments nouveaux »
En complément de leur nouvelle action sur le fond, Me Lèguevaques et Me Fedida ont entamé une action en référé, estimant que des « éléments nouveaux » justifiant l’intervention immédiate de la justice étaient apparus depuis leur premier recours. Les avocats, agissant au nom de Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN) et de Didier Bonin, un Toulousain client de Me Lèguevaques, rappellent dans leur mémoire adressé au Conseil d’Etat et que Le Monde a pu consulter les résultats d’un audit informatique commandé par l’Etat dont les résultats ont été connus mi-janvier.Cette étude, menée par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et la Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’Etat (Dinsic) pointe notamment le risque de détournement de finalité du fichier, plus spécifiquement de le voir utilisé pour identifier une personne à partir de ses empreintes digitales – et non pas seulement pour authentifier un demandeur de titre d’identité.
Les deux avocats font aussi référence à un point de procédure : selon eux, la loi impose que la Dinsic donne un avis pour tout projet dépassant 9 millions d’euros, un montant selon eux largement dépassé par le fichier TES.
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« Inégalité de traitement entre les usagers »
Ensuite, les avocats soulignent le fait qu’un décret rendant facultatif le versement des empreintes digitales dans le TES des demandeurs de carte d’identité, conformément aux promesses du gouvernement, est en cours d’élaboration, sans que le gouvernement ne diffère pour autant l’application du fichier TES. Selon eux, cette situation « crée une inégalité de traitement entre les usagers du service public » ; ceux qui demanderont une carte d’identité avant le nouveau décret et qui devront fournir leurs empreintes, et les autres.Les deux avocats rappellent aussi les travaux de l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) qui, après une étude de l’architecture du fichier TES et de ses alternatives, a conclu que l’option technique retenue par le gouvernement était « une source de risque majeure d’atteinte à la vie privée ».
Les deux avocats mentionnent enfin les arguments déjà évoqués dans leurs premiers recours au fond, notamment le fait que la Constitution impose de passer par la loi pour les questions de respect de la vie privée ou que la règlementation européenne n’impose selon eux aucunement la création d’une base de données biométriques centralisée.
Le Conseil d’Etat devrait convoquer les deux avocats dans les jours qui viennent pour statuer sur leur recours.
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