Christophe Leguevaques Avocat barreau Paris-Toulouse
Accueil
Envoyer à un ami
Version imprimable

Actions de groupe : la France encore à la traine


Avec l'aimable autorisation de la TRIBUNE DIMANCHE, nous reproduisons notre tribune consacré à l'action de groupe



 
L’avocat Christophe Lèguevaques (CLE), un des pionniers des actions collectives en France, dénonce l’abandon de la réforme de l’action de groupe par le Gouvernement : une erreur économique autant qu’une faute politique.
 
Adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale à l’unanimité des groupes, la proposition de loi présentée par Laurence Vichniesky (Modem) et Philippe Gosselin (LR) portant réforme de l’action de groupe en France a finalement été enterrée par le Gouvernement au profit d’un texte sans ambition qui fait la part belle aux intérêts des grands groupes au détriment des consommateurs.
 
Pour rappel, la réforme initiale visait à simplifier et à unifier les différents régimes de l’action de groupe en France. C’était également l’occasion de transposer la directive européenne de 2020 visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs.
 
Cette réforme n’avait pourtant rien de révolutionnaire et maintenait d’ailleurs de nombreux filtres, pour ne pas dire de véritables « verrous » procéduraux, mis en place depuis l’origine pour brider l’essor des actions de groupe, pourtant nécessaire au développement économique et à l’équité procédurale.
 
En réduisant cette réforme à la portion congrue et en se plaçant à la traîne du MEDEF sur les dangers pour le monde des affaires, le Gouvernement montre à quel point il reste aveugle à la réalité du rapport de force entre industriels et consommateurs et aux mauvais comportements d’acteurs économiques qui n’hésitent pas à rentabiliser leurs violations répétées de la loi.
 
Une réformette sans ambition
Dans un texte fourre-tout portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, le Gouvernement transpose, avec retard et de manière partielle, la directive en créant une action de groupe « transfrontalière ».
 
Et encore, en l’état, le texte du Gouvernement réserve le recours à une action transfrontalière aux seules actions de groupe « santé » et « data ». Exit les actions protectrices des consommateurs, des salariés victimes de discrimination ou tendant à réparer les dégâts causés à l’environnement.
 
Serait-ce un aveu de la politique générale qu’entend suivre le gouvernement Barnier ?
 
Autre disposition qui signale la suspicion qui pèse sur l’action de groupe aux yeux du Gouvernement : la vérification de l’absence de conflits d’intérêts du demandeur à l’action. La formulation volontairement ambigüe peut paraitre très large. Si on peut comprendre le risque de détournement d’une action de groupe instrumentalisée par une entreprise concurrente, la disposition présentée par le Gouvernement pourrait conduire dans une interprétation jurisprudentielle à interdire ou limiter le recours à un tiers-financeur. Or, il existe une inégalité fondamentale entre des groupes réalisant des milliards d’euros de chiffre d’affaires et des associations ou syndicats réunissant quelques milliers de demandeurs.
 
Là encore, le gouvernement est aveugle à la réalité des rapports de force qui sont à l’œuvre et préfère croire que l’action de groupe peut être une source de chantage pour les entreprises qui – inversion perverse des rôles – deviendraient les victimes des consommateurs.
 
Disons-le tout net, cette vision de l’action de groupe est ringarde. Elle fleure bon les années 80 et ne tient pas compte des évolutions particulièrement nécessaires à notre temps.
 
Un peu comme si on considérait que la class action avait nuit au développement de l’économie américaine.
 
Pire, cette pseudo réforme constitue une faute politique et une erreur économique.
 
Faute politique
Avec la réforme de l’action de groupe, le Gouvernement pouvait espérer rassembler très largement et recueillir l’unanimité du Parlement. Par les temps qui courent, il a eu tort de se priver d’une telle opportunité…
 
Mais, au-delà de ces aspects purement tactiques, ce texte aurait permis d’affirmer que le nouveau gouvernement était soucieux de la protection des consommateurs en les dotant d’une arme puissante pour faire respecter leur droit et en simplifiant l’accès au juge.
 
Avec son projet de loi, le gouvernement signe un acte de reddition face aux intérêts particuliers, ceux des industriels et autres pollueurs. Il renonce à lutter contre l’aléa moral et à réguler l’économie par la seule logique qu’entendent les « capitaines d’industrie » : la réintégration des externalités négatives et la réduction de leur rentabilité factice.
 
Erreur économique
Mais, avec cette réforme sans vision, sans ambition, le Gouvernement commet également une grave erreur économique. La vision malthusienne de l’action de groupe prive la place de Paris d’un outil attractif au niveau européen, comme cela a pu être le cas en matière d’arbitrage.
 
Des pays comme le Portugal et surtout les Pays-Bas l’ont bien compris et tentent d’attirer à eux les actions collectives européennes qui se profilent à l’horizon.
 
Ainsi, cette réforme ne protégera pas les entreprises françaises d’une class action européenne mais privera les consommateurs du savoir-faire des avocats français ; sans compter que ce projet de loi n’empêchera pas le transfert de substance, participera à l’évaporation d’intelligence et privera l’économie nationale de la réintégration des gains réalisés.
 
Autrement dit, ce texte est contreproductif et porte atteinte à la souveraineté en privant les entreprises françaises de la protection de leur juge naturel, tout en cédant le sort des consommateurs français à des firmes juridiques peu inspirées par les principes essentiels de la profession d’avocat tels qu’ils sont affirmés dans le serment de l’avocat : dignité, conscience, indépendance, probité et humanité.
 
Espérons que les parlementaires parviennent à améliorer ce texte pour réintroduire – a minima – certaines innovations utiles contenues dans la proposition de loi Vichniesky-Gosselin.
 
Mais, même dans ce cas, la France restera encore à la traine en matière de droit des consommateurs, très loin des « class actions » américaines qui jouent un rôle important de régulation (pour ne pas dire de moralisation) de l’économie.
 
 
Christophe Lèguevaques (CLE), 
avocat au barreau de Paris, créateur de la plateforme dactions collectives Myleo.legal
 
 




Témoignages | Réseau | Particuliers & Associations | Entreprises | Collectivités | Honoraires | Presse | Actualités | Ethiques | Vidéos | Mentions légales | Principales références | Action collective / MYLEO.LEGAL


Inscription à la newsletter
 
ombre

Christophe Lèguevaques


Avocat au barreau de Paris - Docteur en droit


PARIS

82 rue d’Hauteville - 75010 Paris
Métro 8/9 Bonne Nouvelle


TOULOUSE

76 allées Jean-Jaurès - 31000 Toulouse
Métro Jean-Jaurès ou Marengo


Christophe Lèguevaques est membre-fondateur de METIS-AVOCATS AARPII - Association d’Avocats à Responsabilité Professionnelle Individuelle Inter-barreaux


Tél. +33 (0)5 62 30 91 52


Fax. +33 (0)5 61 22 43 80