Le destin du Toulousain s'accélère dans les années 90. En 1992, le jeune Christophe a 25 ans et fait un stage à Paris, au sein du prestigieux cabinet Jeantet (où il travaillera ensuite pendant 7 ans). Il y découvre "le monde époustouflant des gros dossiers parisiens", et se pose une, et une seule, question : "que se passe-t-il si une banque fait faillite ?" Et quand Christophe Lèguevaques se pose une question, il trouve la réponse. C'est comme ça. À l'époque, le droit ne dit rien là-dessus, alors le jeune Toulousain travaille comme un forcené jour et nuit (surtout nuit), et finit par pondre une thèse très remarquée - et saluée - sur les "faillites bancaires". Dans le même temps, il quitte Jeantet et fonde son propre cabinet à Paris, Cle Réseau d'Avocats. Hyperactif ?
"Plus c'est impossible, plus ça me motive, assume l'avocat. Je n'arrête jamais."
"Je casse les codes"
Fort du succès de sa thèse "et un peu avec la grosse tête", Christophe Lèguevaques revient ensuite à Toulouse. Il se fait connaître dans les affaires AZF, Dexia, irradiés de Rangueil, Spanghero, et tout récemment dans le dossier de la privatisation de l'aéroport de Toulouse. Des dossiers médiatisés. On voit Christophe Lèguevaques partout. Sa coupe blonde, ses yeux bleus, ses lunettes de premier de la classe et son élocution parfaite. Pourtant, passer à la télé, "je m'en fous", insiste-t-il. "Les médias sont un outil du dossier. La seule question que je me pose est : est-ce utile de parler aux médias dans ce cas précis ?" D'ailleurs, l'avocat ne lie pas l'intérêt d'une affaire à son retentissement médiatique."Pendant le recours contre la privatisation de l'aéroport, j'ai plaidé devant un juge de proximité une affaire de voisinage. Je n'ai pas envoyé de communiqué de presse pour ça et, pourtant, c'était un dossier important pour ma cliente et dans lequel je me sentais utile."Malgré cela, Christophe Lèguevaques n'a pas que des amis.
"Ce que je ne comprends pas, c'est l'acrimonie répétée de certains avocats toulousains à mon égard. Je ne sais pas ce que je leur ai fait, mais ils ne m'aiment pas."L'avocat tente une explication : "à l'époque d'AZF, j'ai été le seul à passer de la parole aux actes en attaquant Total. J'ai également attaqué la Mairie de Toulouse sur les affaires du parking du Capitole (plainte pour "favoritisme" au sujet de la concession) et du Casino (procédure en nullité du permis de construire du casino du groupe Barrière pour cause de "zone inondable"). Je casse les codes, j'utilise le droit pour porter le fer là où ça fait mal. Je suis peut-être trop 'rouge' pour eux."
Le passage raté en politique
Trop "rouge" aussi, pour le Parti Socialiste. Si Christophe Lèguevaques ne garde aucune rancœur de son passage en politique, il en reparle avec beaucoup de passion :"Je n'avais pas compris que les partis politiques sont des filtres qui cherchent à éviter que des gens qui ne sont pas complètement dans le système ne viennent troubler l'ordre établi. J'étais un chien dans un jeu de quilles."Cette époque-là, c'est celle de la primaire PS pour désigner la tête de liste pour conquérir la Mairie de Toulouse. Un scrutin remporté en 2008 par Pierre Cohen. "Le PS est sclérosé. Son fonctionnement est féodal et clanique", renchérit Christophe Lèguevaques, qui le reconnaît :
"J'ai été éliminé de la primaire au PS à Toulouse. Je n'avais pas le soutien des grandes écuries à élus. Sur le moment, ça a été dur, je l'ai eu mauvaise car je n'aime pas perdre."Considérant que la politique, c'est vouloir changer le monde, le quarantenaire (né en décembre 1968) se sent aujourd'hui beaucoup plus efficace en robe d'avocat que muselé dans un parti. "Je fais de la politique avec mes dossiers. L'un de mes critères d'intervention, comme dans Spanghero ou la fonderie Gillet consiste à me poser la question 'combien vais-je contribuer à créer ou sauver d'emplois ?'". Néanmoins, au niveau national aussi, plane un arrière goût amer pour celui qui a rendu sa carte du PS :
"Je ne me reconnais pas dans politique menée par le gouvernement. Je suis victime d'une trahison par rapport à l'esprit du discours du Bourget et la pratique qui a été faite de la politique. Dans le dossier Dexia notamment, le gouvernement s'est couché devant le monde financier. Pourtant, il existait des solutions pour ne pas avoir à faire supporter aux contribuables les errances de la banque sur le marché des subprimes."
L'Inde, le futur
Mais Christophe Lèguevaques est de ce genre d'hommes qui rebondit. Pas vraiment du style à se morfondre. Après la déception des municipales, c'est dans un tout autre univers qu'il se ressource : l'Inde. Il part y vivre un an, avec femme et enfants. Pendant ce temps, ses associés, "une équipe patiente et motivée", gère le cabinet. En Inde, il découvre un pays de contrastes, où la plus grande pauvreté côtoie sans barrière une extrême richesse."Nous voulions montrer aux enfants que, dans le monde, il n'y a pas que l'Europe. L'Inde est un moyen de comprendre le monde qui va arriver, avec des changements que l'on n'imagine pas. Dans quelques années, en raison du changement climatique ou des redistributions géostratégiques, tout va être transformé."En attendant, l'avocat prend les devants et n'oublie pas le business : il a créé en 2011 l'Indian Desk, un service destiné à accompagner les entreprises françaises souhaitant exporter en Inde, ou inversement. Une démarche qui correspond bien à son modèle de vie :
"En France, les défaitistes de la pensée et du courage ont perdu le goût de l'avenir, le goût de vivre. En Inde, on ne se lamente pas. On pense que demain sera meilleur qu'aujourd'hui. Mais on se bouge ! Il faut se battre, sans oublier d'être solidaires !"Le 11 janvier dernier, Christophe Lèguevaques a fait un aller-retour à Paris pour aller marcher sous une pancarte "Je suis Charlie" avec plus d'un millions de citoyens. Il voulait en être. "J'en ai encore des frissons", souffle-t-il. Et maintenant ? Comment faire durer le "sursaut du 11 janvier" ? Quel est le conseil de Maître Lèguevaques? Il hésite. Silence. Pour la première fois... il ne sait pas.