Cour d'appel Bordeaux (1ère Chambre civile, section B) - 15 Avril 2010
N° de RG 08/00339
Madame Anne Marie RUMEAU c./ LA S.A. AXA FRANCE IARD, (venant aux droits de la S.A. AXA COLLECTIVES, elle-même venant aux droits de l'U.A.P.)
DEMANDERESSE :
Madame Anne Marie RUMEAU, née le 27 Juillet 1945 à [...]
de nationalité Française, Chirurgien-dentiste en invalidité, demeurant [...]
Représentée par la SCP Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, avoués à la Cour, et assistée de Maître Christophe LEGUEVAQUES, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSES :
L'UNION NATIONALE POUR LES INTERETS DE LA MEDECINE (U.N.I.M.), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [...]
Représentée par la SCP Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Jacques GRANDON, avocat au barreau de POITIERS
LA S.A. AXA FRANCE IARD, (venant aux droits de la S.A. AXA COLLECTIVES, elle-même venant aux droits de l'U.A.P.), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [...]
Représentée par la SCP Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, avoués à la Cour, et assistée de Maître Benoît DEVAINE substituant Maître Alain ROUDET, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 février 2010 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Monique CASTAGNEDE, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,
Madame Marie-José GRAVIE-PLANDE, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 alinéa 2 du code de procédure civile .
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le 7 août 1985, Madame Rumeau, chirurgien-dentiste a souscrit par l'intermédiaire de l'UNIM un contrat d'assurance de groupe auprès de l'UAP garantissant le décès, l'invalidité et l'incapacité de travail. En 1987, elle a été atteinte d'un tremblement des mains qui l'a contrainte à abandonner sa profession le 30 janvier 1990.
L'expert consulté a relevé une incapacité fonctionnelle de 5 % et une incapacité professionnelle de 100 %.
Le tribunal de grande instance d'Albi, saisi par Madame Rumeau d'une demande de condamnation de l'UNIM à lui verser la rente d'invalidité maximale prévue au contrat l'a déboutée de ses demandes le 1er juin 1993.
Par arrêt du 9 mars 1995, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé cette décision.
Invoquant une aggravation de son état, Madame Rumeau a saisi le tribunal de grande instance de Saintes d'une nouvelle demande. Par jugement du 12 mars 1999, cette juridiction a jugé Madame Rumeau irrecevable en ses demandes à l'encontre de l'UNIM en raison de l'autorité de la chose jugée de l' arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du du 9 mars 1995 . Elle a débouté Madame Rumeau de sa demande à l'encontre de l'UAP au motif que la rente versée par celle-ci est bien celle à laquelle elle est contractuellement en droit de prétendre.
Par arrêt du 13 novembre 2002, la Cour d'appel de Poitiers a confirmé le jugement.
Par arrêt du 19 février 2004, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour de Poitiers au motif que la Cour d'appel de Toulouse n'avait pas statué sur la responsabilité de l'UNIM qui était invoquée dans cette nouvelle procédure.
La présente Cour, Cour de renvoi, a statué le 9 janvier 2007 en rejetant l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'UNIM mais en déboutant Madame Rumeau au motif que cet organisme n'avait pas manqué à ses obligations.
Par arrêt du 13 décembre 2007, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif que la cour s'était prononcée au visa de conclusions du 1er février 2006 alors que Madame Rumeau avait déposé ses dernières conclusions d'appel le 23 mai 2006 et a renvoyé la cause et les parties devant la même cour autrement composée. Celle-ci a été saisie par Madame Rumeau le 15 janvier 2008.
Madame Rumeau a conclu le 15 septembre 2009. Elle fait grief à l'UNIM d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, et sollicite sa condamnation à lui payer une indemnité correspondant à la différence entre le montant de la rente maximum prévue au contrat et celle qu'elle a effectivement reçue de l'assureur, outre 150 000 euro de dommages-intérêts pour résistance abusive et 20 000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile . Elle soutient encore que l'affection dont elle souffre lui ouvre droit au versement par la société AXA d'une rente d'invalidité à taux plein, les clauses plus restrictives ne figurant pas dans la notice d'information lui étant inopposables et demande la condamnation de la compagnie d'assurance à lui verser la différence entre cette rente et les sommes qu'elle a perçues outre 150 000 euro de dommages-intérêts pour résistance abusive de 20 000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile .
L'Union Nationale pour les intérêts de la Médecine (UNIM) a conclu le 1er octobre 2009. Elle soulève l'irrecevabilité de Madame Rumeau à agir à son encontre et, subsidiairement, conteste l'existence d'un préjudice pour solliciter son débouté et sa condamnation à lui payer la somme de 3000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile . Par appel provoqué, elle demande la condamnation de la compagnie AXA à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de Madame Rumeau et à lui payer la somme de 3000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile .
La société AXA France Iard venant aux droits de l'UAP a conclu à l'irrecevabilité de l'appel incident formé à son encontre par Madame Rumeau qui n'avait initialement intimé que l'UNIM et, subsidiairement, à son rejet. Quant à l'appel en garantie, elle l'estime mal fondé l'UNIM étant seule responsable d'un éventuel manquement à ses obligations d'information et de conseil. Elle sollicite la condamnation solidaire de Madame Rumeau et de l'UNIM à lui payer la somme de 5000 euro sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 février 2010.
MOTIFS DE LA DECISION
Les parties ne versent pas aux débats l'acte de signification du jugement.
Sur l'action contre L'UNIM
La Cour d'appel de Toulouse dans son arrêt du 9 mars 1995 n'a pas statué sur le manquement de l'UNIM à son obligation d'information et de conseil. En conséquence, l'autorité de la chose jugée ne s'oppose pas à la présente action entreprise. Le jugement du tribunal de grande instance de Saintes du du 12 mars 1999 doit donc être réformé sur ce point.
L'UNIM ne saurait valablement faire grief à Madame Rumeau d'avoir manqué au principe de concentration dans la mesure où, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, Madame Rumeau avait bel et bien saisi la Cour d'appel de Toulouse de la faute commise par l'UNIM dans son obligation d'information.
Le délai d'un an ouvert par l' article 463 du code de procédure civile à Madame Rumeau pour demander à la Cour d'appel de Toulouse de réparer son omission de statuer étant expiré, celle-ci était recevable à introduire une nouvelle instance pour voir répondre à sa demande ainsi qu'elle l'a fait.
Madame Rumeau doit être déclarée recevable en son action.
L'Union Nationale pour les Intérêts de la Médecine est une association de la loi de 1901 qui a pour but notamment d'étudier, d'organiser et de promouvoir toute forme de prévoyance pour les membres des professions de santé et leur famille ainsi que d'assister et de conseiller des membres lors des démarches de toute nature qu'ils auraient à accomplir dans ces perspectives. A cet effet, elle a souscrit un contrat d'assurance de groupe auprès de l'UAP.
Il résulte des pièces du dossier que le 7 août 1985, Madame Rumeau s'est vue remettre un certificat d'adhésion au contrat de groupe souscrit auprès de l'UAP précisant la catégorie des garanties, les capitaux garantis, le montant des indemnités journalières et la rente annuelle d'invalidité, ainsi qu'un résumé des conditions générales et particulières du contrat d'assurance de groupe.
Force est de constater que ce dernier document, s'il précise que le degré d'incapacité fonctionnelle est apprécié en s'inspirant du guide barême utilisé en matière d'accident du travail et que le degré d'incapacité professionnelle est apprécié en s'inspirant du barême établi par la commission médicale paritaire de l'UNIM, n'indique pas comment est déterminé le degré d'invalidité 'N' qui est celui qui permet de calculer le montant de la rente à partir de diverses formules qui sont explicitées.
L'UAP reconnaît elle-même dans une lette du 19 novembre 1992 que les documents remis aux assurés ne comportent pas la formule mathématique de calcul du degré d'invalidité 'N', que la police elle-même ne comporte qu'un tableau donnant des exemples en portant en abscisses le taux d'incapacité fonctionnelle et en ordonnées le taux d'incapacité professionnelle.
La formule mathématique quant à elle n'a été communiquée à Madame Rumeau qu'en 1994 en cours de procédure. Or, cette formule qui correspond à la racine cubique du produit de l'incapacité fonctionnelle au carré par l'incapacité professionnelle, était essentielle dans la mesure où il en ressort que l'incapacité fonctionnelle est plus largement prise en compte que l'incapacité professionnelle, ce qui est défavorable à l'adhérent à un contrat destiné à la couverture du risque professionnel et a conduit en l'espèce à priver de toute rente un chirurgien-dentiste dans l'incapacité de poursuivre son activité professionnelle au motif que son incapacité fonctionnelle n'était en 1990 que de 5 % alors que son incapacité professionnelle était de 100 %.
La notice précisait en outre que selon les spécialités professionnelles, certaines infirmités définies par la commission médicale paritaire de l'UNIM pouvaient donner lieu à reconnaissance d'invalidité permanente totale ouvrant droit au versement de la rente au taux maximum sans référence au tableau d'incapacité fonctionnelle et professionnelle, le versement étant néanmoins conditionné par la cessation de toute activité médicale.
En vertu de l' article R 140-5 du Code des Assurances , alors applicable, le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe doit tenir à la disposition des assurés une notice résumant d'une manière très précise, leurs droits et obligations. Or, le mode de calcul du degré d'invalidité qui était en l'espèce un des éléments essentiels de la garantie de l'invalidité n'a pas été explicité à l'adhérente. Il ne l'était pas même dans la police d'assurance remise à l'UNIM.
Au vu des éléments d'information qui lui étaient fournis, Madame Rumeau était fondée à penser qu'en cas de cessation de toute activité professionnelle, elle pourrait bénéficier d'une rente qui lui a pourtant été totalement refusée en 1990.
Non seulement l'UNIM a remis à Madame Rumeau une notice insuffisamment précise, mais elle n'a pas attiré son attention sur les conditions de couverture de l'incapacité professionnelle, créant ce faisant une illusion de garantie dont l'adhérente est fondée à réclamer réparation et lui faisant perdre une chance de souscrire, auprès d'un autre assureur une meilleure garantie.
S'agissant d'une perte de chance, Madame Rumeau ne peut valablement prétendre que son préjudice serait de la différence entre les sommes qu'elle perçoit et le montant de la rente totale à laquelle elle prétend. Elle est également mal fondée à imputer à l'UNIM son état dépressif alors qu'il résulte des expertises versées aux débats qu'elle a souffert de nombreuses pathologies, que ses propres attestants estiment que la cessation de son activité professionnelle a contribué à la détérioration de son moral et qu'un expert psychiatre a constaté en 2002 une apparition récente de la symptomatologie anxio-dépressive.
Au vu des diverses sommes que Madame Rumeau reconnaît avoir perçues depuis 1995 et de la rente annuelle de 17 204,36 euro qui lui est versée depuis 2002 en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Saintes lui ayant reconnu, après aggravation, un degré d'invalidité de 40,53 %, son préjudice doit être évalué à 153 000 euro.
Sur l'appel provoqué de l'UNIM
Il n'est pas contesté que la notice insuffisamment précise a été établie par l'UAP. L'assureur se trouve donc à l'origine, par sa défaillance dans la rédaction de cette notice, de l'obligation pour l'UNIM d'indemniser le préjudice qui en résulte pour Madame Rumeau.
Certes, l'UNIM avait à l'égard de son adhérente une obligation d'assistance et de conseil qui devait la conduire à s'informer et à l'informer du mode de calcul du degré d'invalidité 'N'. Mais force est de constater que là encore, si le tableau permettant d'avoir une appréciation approximative de ce degré d'invalidité figure à la police d'assurance, la formule de calcul exacte n'avait pas été fournie au souscripteur ce qui était de nature à tromper sa vigilance.
La société AXA France Iard venant aux droits de l'UAP, professionnelle de l'assurance, ne saurait valablement invoquer une faute du souscripteur, association de professionnels de la santé et non de l'assurance, à l'égard desquels elle était elle-même tenue d'un devoir d'information et de conseil, pour tenter de s'exonérer partiellement de son obligation à réparation du préjudice occasionné à l'UNIM.
Sur l'appel de Madame Rumeau à l'encontre de la société AXA
Dans son appel à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Saintes du du 12 mars 1999 , Madame Rumeau n'avait intimé que l'UNIM. Ce n'est que l'appel incident de l'UNIM qui a conduit la société AXA en cause d'appel. Madame Rumeau a formé un appel incident provoqué à l'encontre de la société AXA après l' arrêt de la Cour de cassation du du 13 décembre 2007 , et la société AXA conteste la recevabilité de cet appel.
L' article 549 du code de procédure civile autorise un appel incident sur l'appel principal ou incident qui le provoque. En l'espèce, l'appel formé par l'UNIM à l'encontre de la société AXA qui demeurait sans incidence aucune sur la situation de Madame Rumeau, puisqu'il s'agissait d'un appel en garantie, ne pouvait autoriser celle-ci, qui avait formé un appel principal limité, à former un appel incident contre ce nouvel intimé.
Au demeurant, il existait déjà une décision du tribunal de grande instance de Saintes du du 8 novembre 2005 accordant à Madame Rumeau une rente sur la base d'un taux d'invalidité de 40,53 % devenu définitif, ce qui vaut acquiescement au jugement du 12 mars 1999 lui refusant la rente à taux plein qu'elle réclame.
Madame Rumeau doit donc être jugée irrecevable en son appel à l'encontre de la société AXA.
Sur les demandes accessoires
Madame Rumeau ne s'expliquant pas sur le préjudice dont elle sollicite réparation en invoquant une résistance abusive, il ne sera pas fait droit à sa demande.
L'UNIM qui succombe dans sa résistance devra supporter les dépens et contribuer aux frais non taxables exposés par Madame Rumeau par le versement d'une somme de 7000 euro. La société AXA France Iard devra contribuer aux frais non compris dans les dépens par elle exposés par le versement d'une somme de 3000 euro.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Déclare recevable l'appel de Madame Rumeau contre l'UNIM, mais irrecevable son appel contre la société AXA France Iard ;
Statuant dans les limites de l'appel, infirme le jugement déféré ;
Dit que l'UNIM a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de Madame Rumeau ;
Condamne l'UNIM à payer à Madame Rumeau la somme de 153000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 7000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
N° de RG 08/00339
Madame Anne Marie RUMEAU c./ LA S.A. AXA FRANCE IARD, (venant aux droits de la S.A. AXA COLLECTIVES, elle-même venant aux droits de l'U.A.P.)
DEMANDERESSE :
Madame Anne Marie RUMEAU, née le 27 Juillet 1945 à [...]
de nationalité Française, Chirurgien-dentiste en invalidité, demeurant [...]
Représentée par la SCP Corine ARSENE-HENRY et Pierre LANCON, avoués à la Cour, et assistée de Maître Christophe LEGUEVAQUES, avocat au barreau de PARIS
DEFENDERESSES :
L'UNION NATIONALE POUR LES INTERETS DE LA MEDECINE (U.N.I.M.), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [...]
Représentée par la SCP Stéphan RIVEL et Patricia COMBEAUD, avoués à la Cour, et assistée de Maître Jacques GRANDON, avocat au barreau de POITIERS
LA S.A. AXA FRANCE IARD, (venant aux droits de la S.A. AXA COLLECTIVES, elle-même venant aux droits de l'U.A.P.), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, sis [...]
Représentée par la SCP Solange CASTEJA-CLERMONTEL et Hélène JAUBERT, avoués à la Cour, et assistée de Maître Benoît DEVAINE substituant Maître Alain ROUDET, avocat au barreau de SAINTES
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 25 février 2010 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Monique CASTAGNEDE, Président,
Monsieur Pierre-Louis CRABOL, Conseiller,
Madame Marie-José GRAVIE-PLANDE, Conseiller,
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Marceline LOISON
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l' article 450 alinéa 2 du code de procédure civile .
* * *
EXPOSE DU LITIGE
Le 7 août 1985, Madame Rumeau, chirurgien-dentiste a souscrit par l'intermédiaire de l'UNIM un contrat d'assurance de groupe auprès de l'UAP garantissant le décès, l'invalidité et l'incapacité de travail. En 1987, elle a été atteinte d'un tremblement des mains qui l'a contrainte à abandonner sa profession le 30 janvier 1990.
L'expert consulté a relevé une incapacité fonctionnelle de 5 % et une incapacité professionnelle de 100 %.
Le tribunal de grande instance d'Albi, saisi par Madame Rumeau d'une demande de condamnation de l'UNIM à lui verser la rente d'invalidité maximale prévue au contrat l'a déboutée de ses demandes le 1er juin 1993.
Par arrêt du 9 mars 1995, la Cour d'appel de Toulouse a confirmé cette décision.
Invoquant une aggravation de son état, Madame Rumeau a saisi le tribunal de grande instance de Saintes d'une nouvelle demande. Par jugement du 12 mars 1999, cette juridiction a jugé Madame Rumeau irrecevable en ses demandes à l'encontre de l'UNIM en raison de l'autorité de la chose jugée de l' arrêt de la Cour d'appel de Toulouse du du 9 mars 1995 . Elle a débouté Madame Rumeau de sa demande à l'encontre de l'UAP au motif que la rente versée par celle-ci est bien celle à laquelle elle est contractuellement en droit de prétendre.
Par arrêt du 13 novembre 2002, la Cour d'appel de Poitiers a confirmé le jugement.
Par arrêt du 19 février 2004, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour de Poitiers au motif que la Cour d'appel de Toulouse n'avait pas statué sur la responsabilité de l'UNIM qui était invoquée dans cette nouvelle procédure.
La présente Cour, Cour de renvoi, a statué le 9 janvier 2007 en rejetant l'exception d'irrecevabilité soulevée par l'UNIM mais en déboutant Madame Rumeau au motif que cet organisme n'avait pas manqué à ses obligations.
Par arrêt du 13 décembre 2007, la Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif que la cour s'était prononcée au visa de conclusions du 1er février 2006 alors que Madame Rumeau avait déposé ses dernières conclusions d'appel le 23 mai 2006 et a renvoyé la cause et les parties devant la même cour autrement composée. Celle-ci a été saisie par Madame Rumeau le 15 janvier 2008.
Madame Rumeau a conclu le 15 septembre 2009. Elle fait grief à l'UNIM d'avoir manqué à son obligation d'information et de conseil, et sollicite sa condamnation à lui payer une indemnité correspondant à la différence entre le montant de la rente maximum prévue au contrat et celle qu'elle a effectivement reçue de l'assureur, outre 150 000 euro de dommages-intérêts pour résistance abusive et 20 000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile . Elle soutient encore que l'affection dont elle souffre lui ouvre droit au versement par la société AXA d'une rente d'invalidité à taux plein, les clauses plus restrictives ne figurant pas dans la notice d'information lui étant inopposables et demande la condamnation de la compagnie d'assurance à lui verser la différence entre cette rente et les sommes qu'elle a perçues outre 150 000 euro de dommages-intérêts pour résistance abusive de 20 000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile .
L'Union Nationale pour les intérêts de la Médecine (UNIM) a conclu le 1er octobre 2009. Elle soulève l'irrecevabilité de Madame Rumeau à agir à son encontre et, subsidiairement, conteste l'existence d'un préjudice pour solliciter son débouté et sa condamnation à lui payer la somme de 3000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile . Par appel provoqué, elle demande la condamnation de la compagnie AXA à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre au profit de Madame Rumeau et à lui payer la somme de 3000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile .
La société AXA France Iard venant aux droits de l'UAP a conclu à l'irrecevabilité de l'appel incident formé à son encontre par Madame Rumeau qui n'avait initialement intimé que l'UNIM et, subsidiairement, à son rejet. Quant à l'appel en garantie, elle l'estime mal fondé l'UNIM étant seule responsable d'un éventuel manquement à ses obligations d'information et de conseil. Elle sollicite la condamnation solidaire de Madame Rumeau et de l'UNIM à lui payer la somme de 5000 euro sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile .
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 février 2010.
MOTIFS DE LA DECISION
Les parties ne versent pas aux débats l'acte de signification du jugement.
Sur l'action contre L'UNIM
La Cour d'appel de Toulouse dans son arrêt du 9 mars 1995 n'a pas statué sur le manquement de l'UNIM à son obligation d'information et de conseil. En conséquence, l'autorité de la chose jugée ne s'oppose pas à la présente action entreprise. Le jugement du tribunal de grande instance de Saintes du du 12 mars 1999 doit donc être réformé sur ce point.
L'UNIM ne saurait valablement faire grief à Madame Rumeau d'avoir manqué au principe de concentration dans la mesure où, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, Madame Rumeau avait bel et bien saisi la Cour d'appel de Toulouse de la faute commise par l'UNIM dans son obligation d'information.
Le délai d'un an ouvert par l' article 463 du code de procédure civile à Madame Rumeau pour demander à la Cour d'appel de Toulouse de réparer son omission de statuer étant expiré, celle-ci était recevable à introduire une nouvelle instance pour voir répondre à sa demande ainsi qu'elle l'a fait.
Madame Rumeau doit être déclarée recevable en son action.
L'Union Nationale pour les Intérêts de la Médecine est une association de la loi de 1901 qui a pour but notamment d'étudier, d'organiser et de promouvoir toute forme de prévoyance pour les membres des professions de santé et leur famille ainsi que d'assister et de conseiller des membres lors des démarches de toute nature qu'ils auraient à accomplir dans ces perspectives. A cet effet, elle a souscrit un contrat d'assurance de groupe auprès de l'UAP.
Il résulte des pièces du dossier que le 7 août 1985, Madame Rumeau s'est vue remettre un certificat d'adhésion au contrat de groupe souscrit auprès de l'UAP précisant la catégorie des garanties, les capitaux garantis, le montant des indemnités journalières et la rente annuelle d'invalidité, ainsi qu'un résumé des conditions générales et particulières du contrat d'assurance de groupe.
Force est de constater que ce dernier document, s'il précise que le degré d'incapacité fonctionnelle est apprécié en s'inspirant du guide barême utilisé en matière d'accident du travail et que le degré d'incapacité professionnelle est apprécié en s'inspirant du barême établi par la commission médicale paritaire de l'UNIM, n'indique pas comment est déterminé le degré d'invalidité 'N' qui est celui qui permet de calculer le montant de la rente à partir de diverses formules qui sont explicitées.
L'UAP reconnaît elle-même dans une lette du 19 novembre 1992 que les documents remis aux assurés ne comportent pas la formule mathématique de calcul du degré d'invalidité 'N', que la police elle-même ne comporte qu'un tableau donnant des exemples en portant en abscisses le taux d'incapacité fonctionnelle et en ordonnées le taux d'incapacité professionnelle.
La formule mathématique quant à elle n'a été communiquée à Madame Rumeau qu'en 1994 en cours de procédure. Or, cette formule qui correspond à la racine cubique du produit de l'incapacité fonctionnelle au carré par l'incapacité professionnelle, était essentielle dans la mesure où il en ressort que l'incapacité fonctionnelle est plus largement prise en compte que l'incapacité professionnelle, ce qui est défavorable à l'adhérent à un contrat destiné à la couverture du risque professionnel et a conduit en l'espèce à priver de toute rente un chirurgien-dentiste dans l'incapacité de poursuivre son activité professionnelle au motif que son incapacité fonctionnelle n'était en 1990 que de 5 % alors que son incapacité professionnelle était de 100 %.
La notice précisait en outre que selon les spécialités professionnelles, certaines infirmités définies par la commission médicale paritaire de l'UNIM pouvaient donner lieu à reconnaissance d'invalidité permanente totale ouvrant droit au versement de la rente au taux maximum sans référence au tableau d'incapacité fonctionnelle et professionnelle, le versement étant néanmoins conditionné par la cessation de toute activité médicale.
En vertu de l' article R 140-5 du Code des Assurances , alors applicable, le souscripteur d'un contrat d'assurance de groupe doit tenir à la disposition des assurés une notice résumant d'une manière très précise, leurs droits et obligations. Or, le mode de calcul du degré d'invalidité qui était en l'espèce un des éléments essentiels de la garantie de l'invalidité n'a pas été explicité à l'adhérente. Il ne l'était pas même dans la police d'assurance remise à l'UNIM.
Au vu des éléments d'information qui lui étaient fournis, Madame Rumeau était fondée à penser qu'en cas de cessation de toute activité professionnelle, elle pourrait bénéficier d'une rente qui lui a pourtant été totalement refusée en 1990.
Non seulement l'UNIM a remis à Madame Rumeau une notice insuffisamment précise, mais elle n'a pas attiré son attention sur les conditions de couverture de l'incapacité professionnelle, créant ce faisant une illusion de garantie dont l'adhérente est fondée à réclamer réparation et lui faisant perdre une chance de souscrire, auprès d'un autre assureur une meilleure garantie.
S'agissant d'une perte de chance, Madame Rumeau ne peut valablement prétendre que son préjudice serait de la différence entre les sommes qu'elle perçoit et le montant de la rente totale à laquelle elle prétend. Elle est également mal fondée à imputer à l'UNIM son état dépressif alors qu'il résulte des expertises versées aux débats qu'elle a souffert de nombreuses pathologies, que ses propres attestants estiment que la cessation de son activité professionnelle a contribué à la détérioration de son moral et qu'un expert psychiatre a constaté en 2002 une apparition récente de la symptomatologie anxio-dépressive.
Au vu des diverses sommes que Madame Rumeau reconnaît avoir perçues depuis 1995 et de la rente annuelle de 17 204,36 euro qui lui est versée depuis 2002 en exécution d'un jugement du tribunal de grande instance de Saintes lui ayant reconnu, après aggravation, un degré d'invalidité de 40,53 %, son préjudice doit être évalué à 153 000 euro.
Sur l'appel provoqué de l'UNIM
Il n'est pas contesté que la notice insuffisamment précise a été établie par l'UAP. L'assureur se trouve donc à l'origine, par sa défaillance dans la rédaction de cette notice, de l'obligation pour l'UNIM d'indemniser le préjudice qui en résulte pour Madame Rumeau.
Certes, l'UNIM avait à l'égard de son adhérente une obligation d'assistance et de conseil qui devait la conduire à s'informer et à l'informer du mode de calcul du degré d'invalidité 'N'. Mais force est de constater que là encore, si le tableau permettant d'avoir une appréciation approximative de ce degré d'invalidité figure à la police d'assurance, la formule de calcul exacte n'avait pas été fournie au souscripteur ce qui était de nature à tromper sa vigilance.
La société AXA France Iard venant aux droits de l'UAP, professionnelle de l'assurance, ne saurait valablement invoquer une faute du souscripteur, association de professionnels de la santé et non de l'assurance, à l'égard desquels elle était elle-même tenue d'un devoir d'information et de conseil, pour tenter de s'exonérer partiellement de son obligation à réparation du préjudice occasionné à l'UNIM.
Sur l'appel de Madame Rumeau à l'encontre de la société AXA
Dans son appel à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Saintes du du 12 mars 1999 , Madame Rumeau n'avait intimé que l'UNIM. Ce n'est que l'appel incident de l'UNIM qui a conduit la société AXA en cause d'appel. Madame Rumeau a formé un appel incident provoqué à l'encontre de la société AXA après l' arrêt de la Cour de cassation du du 13 décembre 2007 , et la société AXA conteste la recevabilité de cet appel.
L' article 549 du code de procédure civile autorise un appel incident sur l'appel principal ou incident qui le provoque. En l'espèce, l'appel formé par l'UNIM à l'encontre de la société AXA qui demeurait sans incidence aucune sur la situation de Madame Rumeau, puisqu'il s'agissait d'un appel en garantie, ne pouvait autoriser celle-ci, qui avait formé un appel principal limité, à former un appel incident contre ce nouvel intimé.
Au demeurant, il existait déjà une décision du tribunal de grande instance de Saintes du du 8 novembre 2005 accordant à Madame Rumeau une rente sur la base d'un taux d'invalidité de 40,53 % devenu définitif, ce qui vaut acquiescement au jugement du 12 mars 1999 lui refusant la rente à taux plein qu'elle réclame.
Madame Rumeau doit donc être jugée irrecevable en son appel à l'encontre de la société AXA.
Sur les demandes accessoires
Madame Rumeau ne s'expliquant pas sur le préjudice dont elle sollicite réparation en invoquant une résistance abusive, il ne sera pas fait droit à sa demande.
L'UNIM qui succombe dans sa résistance devra supporter les dépens et contribuer aux frais non taxables exposés par Madame Rumeau par le versement d'une somme de 7000 euro. La société AXA France Iard devra contribuer aux frais non compris dans les dépens par elle exposés par le versement d'une somme de 3000 euro.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Déclare recevable l'appel de Madame Rumeau contre l'UNIM, mais irrecevable son appel contre la société AXA France Iard ;
Statuant dans les limites de l'appel, infirme le jugement déféré ;
Dit que l'UNIM a manqué à son obligation d'information et de conseil à l'égard de Madame Rumeau ;
Condamne l'UNIM à payer à Madame Rumeau la somme de 153000 euro à titre de dommages-intérêts et celle de 7000 euro en application de l' article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive ;